Expériences de maltage/brassage au malt VERT : écologique, local, pas cher et efficace !

Illustration article malt vert - Brasserie du Vallon

Et voici un nouvel article à propos des méthodes de brassage/maltage à l’ancienne…

Comme j’en parlais dans mes précédents articles à propos de ma nouvelle cuve de brassage « médiévale » faite main, et à propos de la théorie du brassage de bières crues (sans ébullition), il faut maintenant que je m’attelle à mes expériences de brassage au malt vert !

En effet, ma première expérience de brassage de bière médiévale s’est bien passée, il faut donc que je test maintenant d’y ajouter des céréales crues, puis du malt vert pour voir ce que chacun de ces ingrédients unique peut apporter à la bière.

En théorie il y a vraiment énormément d’avantages à brasser avec son propre malt vert, et comme il est vert, il est aussi beaucoup plus simple, requiert moins de matériel spécialisé et de temps pour être fabriqué comparé au malt classique…

Bref, je vois là une technique innovante qui pourrait être bien utile pour les amateurs comme pour certains professionnels !

À condition que mes expériences soient un tant soit peu concluantes… 

Ce que nous allons voir tout de suite 😉

 

Cet article est donc théoriquement le dernier de ma petite série d’expérience low-tech écolo, qui vont d’ailleurs servir de parfaite introduction à mon méga-article à propos de l’écologie en brasserie !

C’est bien d’avoir un article très populaire qui parle des prix de vente et la rentabilité d’une brasserie… Mais y a pas que l’argent dans la vie ! Surtout si gagner de l’argent n’importe comment rend finalement la vie impossible à long terme.

Enfin bref, j’vais pas vous réexpliquer le problème du dérèglement climatique, je crois qu’on est tous à peu près d’accord là-dessus maintenant, malheureusement trop tard, face aux dérèglements terribles qui s’enchainent maintenant…

 

Je mettrais cet article à jour dès que j’aurais réussi à mettre la main sur de l’orge, du blé, du seigle et de l’avoine cru.

L’idée étant ensuite de faire des partenariats avec des agriculteurs du coin pour me fournir au plus proche, idéalement en variétés anciennes…

 

Dans un premier temps, je me contenterai de n’importe quel céréales crue (de préférence BIO) pour mes premières expériences de brassage au malt vert.

C’est parti pour les premiers tests !

 

Mais tout d’abord, qu’est-ce que le malt vert ?

Illustration malt germé, malt vert - expérience de maltage - expérience de brassage au malt vert - Brasserie du Vallon

Orge germé avec ses radicelles : c’est du malt vert brut !

C’est simple, il s’agit d’une céréale, que ça soit blé, orge, avoine, seigle, millet, sorgho… (j’vais pas toutes les citer !), qui a été récoltée, qui a attendu patiemment la sortie de sa période de dormance, puis qui a été trempée dans de l’eau un certain nombre d’heures ou de jours, en plus ou moins gros volume, en continue ou par intermittence, avec ou sans aération, avec ou sans contrôle de température… et qui s’est mise à germer comme par magie !

Et c’est tout !

 

Contrairement aux malts classiques qui sont ensuite touraillés pour les débarrasser de leurs petites racines naissantes et pour les sécher et/ou griller, ou même caraméliser / torréfier. Bref, il s’agit là de processus super énergivores.

Le malt vert quant à lui reste humide, tel qu’il est naturellement après l’étape de germination.

Peut-être que, pour des raisons de saveurs, il faudra tout de même frotter ce malt contre un grillage métallique très fin pour en retirer les radicelles (ces trois petites racines qui sortent au début de la germination)… On le saura très vite !

 

Il faut donc le consommer rapidement, c’est un produit frais, périssable. Pas question de l’entreposer des mois voir des années comme on pourrait le faire sans trop de craintes avec du malt classique.

J’ai tout de même fait des tests de conservation au frigo et congélateur pour voir comment il réagissait…

Mais si l’objectif est de brasser de la manière la plus écologique possible, utiliser de telles méthodes de stockage modernes et énergivores est à proscrire. 

 

Il faudra donc le préparer à la demande, et c’est une logistique très particulière a laquelle les malteries industrielles qui fournissent 99% des brasseries ne sont aujourd’hui pas adaptées !

Une aubaine pour les petits malteurs locaux ? 😉

 

Pourquoi changer nos recettes pour y incorporer ce malt étrange ?

L’avantage n°1 du malt vert, ce n’est pas son coût de fabrication bien moindre : moins d’énergie, mais aussi moins de main d’œuvre, moins de machines, usine plus petite…

Ni même la facilité de filtration/rinçage des drêches qu’il permet théoriquement puisqu’il est moulu/aplati humide, ce qui laisse l’enveloppe du grain totalement intacte et aide donc à aérer les drêches. 

Non, selon moi, l’intérêt principal du malt vert c’est bien ses propriétés amylolytiques exceptionnelles ! (ouai, fallait que je le place quelque part celui-là)

En fait, comme le malt vert n’est pas séché à chaud, ses nombreuses et fragiles enzymes libérées naturellement par la germination, et qui intéressent fortement les brasseurs que nous sommes, ne sont pas dégradées et sont donc présente en quantité importante !

Apparemment le malt vert contient tellement d’enzymes que seulement 40% de malt vert dans une recette permet de brasser avec les 60% restants de céréales crues, qui sont donc sans enzymes.

 

Une affirmation aussi exceptionnelle mérite d’être mise à l’épreuve des faits !

 

J’ai déjà listé les avantages des céréales crues dans le précédent article sur le brassage de bières crues, mais l’association malt vert + céréales crues fait franchement rêver côté écologie et économie.

Reste à voir ce que ça va donner en réalité …

 

Mon expérience de maltage basique

Ingrédients et matériel : 

  • 400g d’orge cru (destiné à l’alimentation animale dans mon cas…)
  • 400mL d’eau du réseau (sans chlore !)
  • Un récipient suffisamment volumineux

Et c’est tout !

 

Les étapes : 

  • Trempage à température ambiante : 24H
  • Drainage de l’eau et mise à germer
  • Germination sans mélange : 48H

 

Alors, il y aurait beaucoup à dire à propos des raisons derrière ces durées, températures… Et il y a beaucoup à faire pour améliorer le processus évidemment, mais l’idée de cet article n’est pas de vous apprendre à malter !

Allez donc plutôt lire comme moi « Malt » de l’excellente série Brewing Elements 😉

 

Résultats :

Bref, mon malt à germé… mais mon récipient étant trop profond et sans ventilations/drainage dans l’fond, donc les derniers centimètres au fond ont commencé à fermenter/moisir et ça sentait pas bon…

Aussi, comme l’humidité n’était pas maintenue sur les quelques centimètres du dessus, ces grains ont séché et n’ont pas pu germer correctement. 

On remarquera aussi que les céréales qui ont germés en premier étaient ceux dans le haut du récipient, qui avaient donc un meilleur accès à l’oxygène.

 

Conclusion :

C’est vraiment très facile de faire germer de l’orge pour en faire son propre malt en petit volume, même si les céréales utilisées ne sont pas prévues à cet effet. Personnellement j’ai juste acheté le premier sac d’orge cru que j’ai trouvé, chez un fournisseur local, un truc pour l’alimentation animale !

Mais pas d’inquiétude, ces céréales sont tout à fait comestibles, elles sont juste moins adaptées au brassage à cause de leur teneur en protéine plus élevée et du calibrage approximatif des grains. Néanmoins elles sont propres et dépourvues de contaminants, donc c’est suffisant pour faire mes tests… J’en chercherais quand même des mieux pour brasser les bières que je vendrait, évidemment !

Je recommande de ne pas faire germer son malt en tas de plus de 10cm de profondeur pour permettre un accès à l’oxygène plus facile pour nos petites graines, et avoir une meilleure homogénéité de la germination. 

Je pense qu’il serait utile d’installer un couvercle percé sur le dessus du récipient utilisé pour permettre de mieux conserver l’humidité tout en permettant à de l’oxygène de pénétrer le malt. Et j’imagine qu’il serait utile d’asperger la surface d’eau avec un pulvérisateur pour maintenir une bonne humidité, à condition que le fond du récipient soit percé pour permettre à un éventuel excès de s’évacuer. 

Enfin, je pense que mélanger son malt une fois toutes les huit heures environ aiderait vraiment à avoir une homogénéité parfaite et à éviter les risques de moisissure des céréales du fond. Ça permettrai aussi de défaire les blocs de malt qui ont tendance à se former quand les radicelles s’entremêlent !

 

Expérience de conservation du malt vert 

J’ai tenté de conserver deux petits sachets de malt vert une douzaine de jours au frigo à environ 5°C et au congélateur proche de -15°C

Le malt conservé au frigo à continué à germer un peu, certains germes verts sortants de la graine et surtout j’ai pu trouver quelques grains très légèrement moisis… limite !

Le malt conservé au congélateur quant à lui n’a pas du tout bougé vu que c’était un petit volume, il a congelé rapidement et est tout de suite entré en dormance (ou est mort, je ne sais pas).

Les deux malts se sont apparemment légèrement desséchés, en tout cas au moins leurs racines, qui avaient commencé à brunir très légèrement.

Le test est plutôt concluant, dans tous les cas, pas de soucis pour conserver le malt quelques jours au frigo.

Si je prévois de brasser 4 jours de suite avec du malt vert par exemple, j’ai juste besoin de planifier la production d’un seul gros lot de malt vert, ce qui me simplifie quand même grandement la tâche !

 

Expérience préliminaire d’infusion du malt vert 

Avec les deux échantillons conservés douze jours au frigo et au congélateur respectivement, j’ai fait un test d’infusion bien à l’arrache comme j’aime. 

On remarquera que, pendant le brassage, l’échantillon conservé au frigo à produit ~15% plus de sucres que celui conservé au congélateur, mais je ne crois pas que ça soit dû à la supériorité du stockage au frigo.

Il y a selon moi deux explications possibles :

  1. Par mégarde, j’ai mieux mixé l’échantillon du frigo, ce que j’ai cru constater au moment de filtrer, car il semblait réduit en plus petits fragments, augmentant ainsi son rendement.
  2. Ou alors c’est dû au fait que l’échantillon du frigo à continué à germer et possédait donc davantage d’enzymes actives que le malt du congélateur qui était insuffisamment germé je crois.

Bref, passons à l’expérience !

 

Mon premier « brassage » au malt vert :

Un peu d’eau chaude, un coup de mixer plongeant, des paliers de température approximatifs à 50°C, 60°C et 70°C pendant très approximativement 1H chacun.

69g de malt vert + 250mL d’eau = un moût gris très trouble mais pas si mauvais, possédant une densité comprise entre 1.025 et 1.030.

Si on fait la moyenne, j’ai donc ~70g/L de sucre dans mes deux petits tests, sachant que j’ai utilisé ~280g de malt vert par litre d’eau, ça fait un rendement de 25% du poids de malt vert converti en sucre. 

J’estime que le malt vert n’a pas absorbé d’eau pendant le processus de brassage, ce qui est certainement faux, mais ça simplifie les calculs puisque j’ai de toutes façons oublié de mesuré le volume de moût récolté…

Le malt vert possède un taux d’humidité de ~40%, donc 280g de malt vert = 170g de malt sec = 136g de sucres théoriques maxi (si le grain est composé à 80% d’amidon convertibles en sucres).

Et 70 grammes de sucre réellement extraits / 136 grammes de sucres maximum théoriquement extractible = ~51% de rendement en fait 🙂 

C’est toujours très très mauvais comparé à nos rendement habituels qui sont souvent presque 2x meilleurs, certes, mais c’est pas franchement étonnant vu la méthode de brassage bâclée au possible et le concassage… approximatif !

 

Bref, j’ai donc découvert qu’il était possible de faire du malt très facilement à partir d’orge cru destiné à l’alimentation animale et d’un matériel rudimentaire.

Et j’ai aussi prouvé qu’il était possible d’utiliser cet orge malté pour produire une quantité mesurable de sucres… quoi que faible !

Y a plus qu’à tester sérieusement pour voir si c’est buvable avec du malt vert un peu moins vieux ! (j’ai trempé les lèvres, c’était pas imbuvable avec ce vieux malt vert)

 

Expérience de maltage en quantité plus conséquentes

ALORS, il s’est écoulé exactement deux ans, onze mois et dix-huit jours depuis la dernière mise à jour de cet article… sans blague ! 

Mais aujourd’hui (décembre 2023) j’ai retenté l’expérience, sans grand succès néanmoins, voici un court résumé de mon aventure : 

J’ai utilisé de vieilles céréales récoltées en 2020, variétés anciennes, pas forcément les plus performantes…

Pour le moment j’ai eu de très mauvais rendements. Ça fonctionne, et le goût était très intéressant… mais j’ai eu ~35% de rendement seulement au-lieu de 80% avec le malt moderne que j’utilise d’habitude !
Je pense que cette fois-ci je n’avais pas laissé germer les céréales assez longtemps (bien aérées, bien mélangées, mais il faisait froid…). C’était homogène, et je taux de germination n’était pas trop mauvais…
Mais j’ai été pressé par le temps, les racines ne faisaient que 1mm de long au maximum.
Je recommence l’expérience dans quelques jours avec les mêmes céréales en laissant germer un jour de plus pour essayer d’avoir des racines à peu près aussi longues que le grain en lui-même (~entre 4 et 8mm environ)

Autre problème : le concassage… concasser du malt vert humide c’est une vraie galère !
J’y suis allé trop vite, trop fort, ça a fait de la pate, et j’ai colmaté la sortie de mon moulin pro (moulin techniquement simple, deux gros rouleaux inox diamètre 12cm, moteur 1.5kW).
J’ai dû le démonter, un enfer, presque deux heures de travail pour tout nettoyer et remonter comme il faut.

Et les céréales que j’ai réussi à « concasser » ensuite en faisant trois passages en resserrant les rouleaux progressivement étaient en fait simplement aplaties parce que, étant humides, les céréales n’étaient plus assez friables du tout. Le rendement avec ce malt vert grossièrement aplatis comme ça était vraiment mauvais, de l’ordre de 10% !! 

Le test où j’ai eu 35% de rendement j’ai mixé grossièrement la maische pour avoir des morceaux de malt vers d’environ 2 à 3mm en moyenne.

 

Donc pour le prochain test je laisserai germer plus longtemps (surtout qu’il fait 15°C dans l’atelier, c’est un peu limite…).
Aussi, j’égoutterai mon malt de manière beaucoup plus consciencieuse et je le laisserai prendre l’air une demi-journée étalé sur une grille en couche fine avant de le concasser pour éviter qu’il colle trop.

Et je le concasserai surement en 4 étapes pour avoir un résultat encore plus écrasé que la fois précédente… j’espère juste que ça va pas trop refaire de la pate à pain sur les rouleaux cette fois…

 

Affaire à suivre !

 

Merci de l’intérêt porté à mes expériences 😊

 

[Article en cours de rédaction, les expériences avancent doucement mais sûrement 🙂 ]

 

Expérience de brassage au malt vert sérieuse (20L) 

[Article en cours de rédaction, les expériences avancent doucement mais sûrement 🙂 ]

 

Suis-moi sur les réseaux sociaux pour ne pas manquer les prochaines mises à jour !

Envie de partager ?
  • […] qui me permettra d’ailleurs de brasser avec du malt vert en plus des céréales crues… On en parle dans le prochaine article de la série […]

  • Read Next

    Interview en direct avec Louis de l'association La Caisse à Outils - Dégustations et discussions bière, brassage, projets et philosophie...

    Après quelques podcasts et vidéos, j'ai enfin pu tester un peu le direct live, et je dois dire que c'est franchement pas mal !  On s'est donné rendez-vous avec Louis en simultané sur Facebook, Youtube et Twitch pour un petit live où on a discuté tranquillement de bières, de brassage, et dégusté quelques unes de mes recettes du moment. Le ...

    >